J’ai lu récemment une histoire d’Amy Hempel, intitulée The Man in Bogotá. Elle va ainsi…
Le personnage principal, un riche industriel de Bogotá, est pris en otage. L’homme souffrant de problèmes cardiaques, ses ravisseurs changent sa diète et l’amènent à s’entraîner régulièrement, en plus de lui faire arrêter la cigarette, afin de s’assurer qu’il reste en vie.
Quand la rançon est payée et que l’homme est finalement libéré, trois mois plus tard, son médecin l’examine et le découvre en excellente santé. Il dit même que selon lui, le kidnapping est la meilleure chose qui lui soit arrivée. Puis l’histoire se conclut sur une question qui traverse l’esprit de l’homme – une question toute simple qui m’a touchée profondément, et qui vous touchera peut-être également :
Il se demanda alors comment nous pouvons savoir que ce qui nous arrive n’est pas bon.
Que des kidnappeurs servent de petits plats santé à un otage me semble assez invraisemblable. Comment pouvaient-ils savoir que leur victime avait des problèmes cardiaques, et donc qu’un mode de vie sain était critique pour lui? Et surtout, l’homme étant très prospère, ils savaient bien que son épouse recueillerait la somme demandée assez rapidement (trois mois me semblent une durée étrangement longue, d’ailleurs…), donc qu’ils ne le garderaient certainement pas en captivité assez longtemps pour que leurs choix de repas soient d’une très grande incidence.
Quoi qu’il en soit (si j’accroche à ces petites invraisemblances, vous pouvez imaginer ce qui me passe par la tête en regardant des comédies romantiques…), la conclusion de l’histoire n’en est pas moins incroyablement puissante de vérité. Et je ne fais pas référence au joyeux dénouement – car l’homme aurait très bien pu s’en sortir sérieusement amoché –, mais à cette petite question apparemment toute simple qu’il se pose à la fin. Car vraiment, posons-nous-la, un moment : comment pouvons-nous savoir que ce qui nous arrive présentement n’est pas bon? Quelle preuve avons-nous que la situation tant déplorée n’est pas le chemin le plus direct vers une grâce et une légèreté qui dépassent tout ce que nous pouvons imaginer?
On pourrait répondre qu’une situation est définitivement négative si on ne l’a pas choisie, peut-être. Qu’en dites-vous? Non, à bien y penser, on sait tous que les imprévus ne sont pas nécessairement mauvais. Ou peut-être est-ce le fait que les autres personnes impliquées sont mal intentionnées, si c’est effectivement le cas? Non plus… car les intentions des autres ne définissent pas systématiquement l’impact que leurs actions auront dans notre vie. Ou encore, peut-être notre douleur est-elle LE signe clair et indiscutable que la vie s’est tournée contre nous? Encore là, bien que notre peine et notre frustration soient indéniables, elles ne constituent pas une preuve non plus. C’est parfois dans les épreuves que se révèlent les plus beaux trésors qui soient.
Je ne sais pas à quelles difficultés vous faites face ces temps-ci… Par exemple, peut-être êtes-vous confronté à une maladie, à un deuil, à un congédiement, à un constat d’infertilité, à une infidélité. Ce sont ces épreuves plus «intenses» qui me viennent en tête, car il était question de kidnapping – une expérience justement assez corsée – dans l’histoire… mais probablement vivez-vous des situations beaucoup moins lourdes, en réalité. Par exemple, peut-être y a-t-il une chose que vous désirez avec chaque fibre de votre corps, et qui tarde un peu à arriver. Ou peut-être cherchez-vous votre voie assidûment sans jamais la trouver? Quoi qu’il en soit, revenons à notre question du jour : comment pouvez-vous savoir que l’état des choses n’est pas bon? Comment pouvez-vous être certain qu’il ne mènera pas à une version encore plus majestueuse de vous et de votre vie?
Il n’y a qu’une réponse possible, si vous l’avez remarqué. C’est «je ne sais pas», tout simplement. «Je ne sais pas», comme dans «Je suis déçu (ou blessé, ou triste, ou frustré), mais non, je dois admettre que je ne peux être certain à 100 % que la situation est fondamentalement mauvaise… je sais que je me sens comme si elle l’était, et une partie de moi tient à le croire, mais je n’ai pas de preuve qu’elle l’est vraiment». Et ce «je ne sais pas» est incroyablement magique. Oh, il n’a apparemment rien de spectaculaire, mais il ouvre un petit espace à l’intérieur de nous… un espace qui permet à la magie d’entrer.
J’ai toujours été convaincue que l’on n’a pas besoin de souffrir pour évoluer… D’ailleurs, l’idée de grandir dans la joie est au cœur même de Matin Magique. Mais vous conviendrez avec moi que dans les faits, on attend souvent de perdre le bonheur superficiel pour s’intéresser à cette paix profonde que rien ne peut troubler. Ainsi, perdre le bonheur superficiel est-il une mauvaise chose? Ou encore, il semble que l’on doive souvent attendre d’être véritablement prêt à accueillir ce que l’on veut et à en prendre soin avant de le recevoir. Le délai d’attente est-il mauvais? Bon, je pourrais donner une longue liste d’exemples, mais allons directement à la mort – que nous voyons souvent comme l’ultime punition… Comment pouvons-nous savoir qu’elle est négative? Bon, personne qui l’a connue ne peut en parler, mais… en fait, non, c’est vrai, plusieurs personnes en sont revenues après l’avoir brièvement rencontrée, et il semble qu’elles aient toutes hâte de la retrouver.
L’émotion que l’on vit est toujours réelle, bien sûr. Il n’est certainement pas question ici de la refouler. Non, on parle juste d’arrêter de se raconter l’histoire que la vie est en train de nous attaquer. Parce que cette histoire est une histoire, justement; on n’a aucune preuve qu’il s’agit de la vérité. Et parce que si on établit qu’une situation est négative et que la vie s’amuse à nous persécuter, on sera obligé de continuer de souffrir et de vivre en victime pour le prouver – donc on sera fermé à tout ce qui pourrait contredire notre idée. Ainsi, il est possible que l’expérience s’avère effectivement négative, mais ce sera parce qu’on aura refusé toute autre possibilité.
On s’entend… parfois, quand on vit un choc extrêmement profond, on ne peut même pas considérer la possibilité que notre épreuve ait quoi que ce soit à nous apporter. Comment pourrions-nous voir quelque chose de positif à la perte de ce qu’on a de plus précieux? Cela dit, on peut toujours revenir à la question de notre homme de Bogotá. Oui, même lorsqu’on n’a pas particulièrement envie de croire en la bonté et la beauté de la vie, on peut toujours accepter de douter de notre scénario négatif, et créer un peu d’espace à l’intérieur de nous… Juste donner une petite chance à la magie de s’infiltrer.
Bonne journée! :-)
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